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Oui, il est désormais possible de détruire les originaux papier

Suite à la parution de l’arrêté du 22 mars 2017, il est possible de détruire l’original papier des documents fiscaux : factures, tickets de caisse, etc. Cet événement ouvre d’importantes perspectives en termes de productivité.

Retour vers le futur : il y a 17 ans, les premiers pas de l’écrit électronique dans le Code Civil :
« L’écrit sous forme électronique est admis en preuve au même titre que l’écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu’il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité. »
C’est ainsi que l’écrit électronique faisait son apparition en droit français par la loi du 13 mars 2000, créant un article 1316-1 (devenu 1366 avec la récente réforme du Code Civil).

La première pierre était ainsi posée : un écrit électronique pouvait être considéré comme l’équivalent d’une preuve papier, à condition que les tribunaux puissent (1) avoir l’assurance de l’identité de l’émetteur de cet écrit, et (2) de l’authenticité de ce document.

Pour autant, aucune distinction n’était faite entre un document papier que l’on aurait numérisé, et un écrit nativement électronique.

Quatre ans plus tard, c’est la loi pour la confiance dans l’économie numérique, dite ‘LCEN’ qui consacrait l’équivalence de l’écrit électronique avec l’écrit papier en introduisant deux nouveaux articles 1108-1 et -2 dans le Code Civil avec une formulation très claire: « Lorsqu’un écrit est exigé pour la validité d’un acte juridique, il peut être établi et conservé sous forme électronique dans les conditions prévues aux articles 1316-1 et 1316-4 et, lorsqu’un acte authentique est requis, au second alinéa de l’article 1317.»
Le législateur ne parlait plus simplement de preuve, mais bien d’établissement d’un véritable original électronique ab initio.

Il ajoutait des contraintes inhérentes à la nature immatérielle de cet écrit électronique, mais finalement assez voisines de l’écrit papier :
• S’assurer de l’identité de l’émetteur, comme un notaire s’assurerait de l’identité du signataire d’un acte (le rattachement de cet écrit électronique à la personne dont il émane) ;
• S’assurer de l’intégrité de cet écrit électronique pendant la durée des obligations de conservation (comme un archiviste s’assurerait que son local est bien fermé, que ses cartons d’archives ne sont pas remplacés par d’autres et que les documents qui s’y trouvent ne sont pas modifiés a posteriori).

Dans le même temps, une présomption de fiabilité de l’écrit électronique était ainsi créée, dès lors que l’écrit était signé électroniquement.

Pour autant, cette notion d’écrit électronique restait perçue avec méfiance de la part des Tribunaux en cas de contentieux, et tant les conditions techniques de l’archivage que le respect des « bonnes pratiques » (les normes) restaient soumises à interprétation. C’est ainsi que se mirent en place des certifications de conformité aux normes (apparition de la certification NF461) basées sur des audits conduits par des prestataires indépendants dument habilités par le COFRAC et intervenant sur la base d’un référentiel unique défini par l’AFNOR.

Le tournant de 2016 : une consécration de la valeur de l’écrit électronique et la référence à des normes techniques précises

Presque « majeur », 16 ans après son introduction en droit français, le droit relatif à l’écrit électronique a connu en 2016 plusieurs évolutions elles aussi majeures :

  1. D’abord avec la parution, le 7 janvier 2016, d’un arrêté en matière fiscale permettant aux entreprises de conserver les documents de contrôle fiscal (piste d’audit comptable) sous la forme de leur choix, numérique ou papier, et ce, quelle que soit la nature originelle du document. Seule restriction imposée par l’administration fiscale, procéder à la numérisation en garantissant la reproduction à l’identique, en utilisant le format PDF et en apposant une signature électronique comme garantie d’intégrité. Restait encore à préciser les modalités exactes de cette signature.
  2. Ensuite par l’introduction d’un Article 1379 dans le Code Civil instaurant, dans la continuité de la LCEN, une présomption de fiabilité de la copie électronique d’un document papier : est « présumée fiable jusqu’à preuve du contraire toute copie résultant d’une reproduction à l’identique de la forme et du contenu de l’acte, et dont l’intégrité est garantie dans le temps par un procédé conforme à des conditions fixées par décret en Conseil d’État »,
  3. Enfin avec la parution d’un décret en date du 5 Décembre 2016 précisant les 6 conditions à remplir pour qu’une copie numérique d’un document originellement sur papier soit une copie électronique fiable et recevable :
    • L’horodatage de cette copie (via un « cachet électronique », au sens du règlement (UE) n° 910/2014 du Parlement européen – Règlement eIDAS ;
    • L’intégrité de cette copie (via un « cachet électronique » et une empreinte ou une signature électronique ; (dans les 2 cas au sens règlement (UE) n° 910/2014 du Parlement européen – Règlement eIDAS) ;
    • La conservation des dites copies électroniques dans des conditions propres à éviter toute altération de leur forme ou de leur contenu (intégrité) ;
    • La conservation des empreintes et les traces générées en application des 2 exigences précédentes, aussi longtemps que la copie électronique et dans des conditions ne permettant pas leur modification ;
    • L’accès aux dispositifs de reproduction et conservation faisant l’objet de mesures de sécurité appropriées ;
    • La conservation de la documentation décrivant les dispositifs et mesures prévues aux exigences précédentes, et cela aussi longtemps et dans les mêmes conditions que la copie électronique ainsi créée.

Il convient de noter dans ce cadre que la loi n’impose pas de délai particulier pour réaliser la copie numérique d’un document. Dans le cadre d’une bonne gestion des documents d’entreprise, il est évidemment recommandé de réaliser cette translation rapidement, mais rien n’empêche de réaliser des copies numériques plusieurs mois, ou plusieurs années après l’émission du document papier.

Le développement des normes

C’est d’ailleurs tout l’enjeu du projet de norme NF Z42-026, qui vient de passer le stade de la consultation publique et devrait être publiée dans les toutes prochaines semaines.

L’objectif de la nouvelle norme sera de compléter les dispositions existantes de la norme d’archivage électronique Z42-013, qui concerne les modalités de conservation au sein d’un Système d’Archivage Electronique (S.A.E), de telle sorte de garantir la date d’archivage, l’intégrité, la confidentialité et la sécurité des documents ainsi numérisés mais également la traçabilité des actions réalisées sur ces mêmes documents et la constitution de journaux non modifiables, tous ces éléments alimentant un « dossier de preuve » accessible en cas de contentieux ou de contrôle d’une autorité administrative.

La norme Z42-026 traitera plus spécifiquement des conditions d’exécution du service de numérisation dans tous les cas de figure, c’est-à-dire dans le cas des traitements par lots, ou de la numérisation pièce à pièce au poste de travail.

Ce projet de norme NF Z42-026 poursuit essentiellement deux objectifs. D’abord, il a pour vocation de faire prendre conscience aux différentes parties prenantes de l’enjeu : la numérisation du document devra être fiable parce qu’elle sera suivie de la destruction de l’original papier. Il convient donc, et c’est le deuxième volet de la norme, de s’imposer des règles strictes en matière de traçabilité des opérations, depuis la numérisation elle-même jusqu’à son horodatage et son scellement par un cachet électronique, sans oublier bien sûr l’archivage du document numérisé.

Oui, il est désormais possible de détruire les originaux papier
Sur ce dernier point, la mise en œuvre d’un système d’archivage électronique conforme à la norme NF Z42-013 (la certification de conformité NF 461, seule garantie objective de conformité, constituant un plus significatif) est nécessaire car ce document numérisé fera l’objet des mêmes obligations légales d’archivage (y compris en termes de durée) que celles en vigueur pour un document papier avec, en plus, la contrainte du maintien de son intégrité pendant ses obligations de conservation. Le S.A.E aura donc pour fonction de conserver tous les documents numérisés et d’écarter le risque de perte et de rupture de leur intégrité.
22 Mars 2017 : l’avènement d’un référentiel clair quant aux conditions de la copie numérique des pièces fiscales et une confirmation attendue : oui, il est possible de détruire l’original papier.

La modification des Articles A 102-b1 et L 102B du Livre de Procédures Fiscales a également ouvert la possibilité, de remettre à l’Administration Fiscale, en cas de contrôle, des versions numériques des documents originaux papier (factures etc…) selon les mêmes principes que ceux indiqués à l’Article 1379 du Code Civil.

Cependant, si sur ce sujet le principe est posé, restait à définir les modalités concrètes.
C’est ce qu’a fait un tout récent arrêté ministériel du 22 mars 2017, définissant les exigences à respecter s’agissant de la création de cette copie numérique de documents « fiscaux » (factures tickets de caisse etc…). Ces exigences sont similaires à celles citées en 3 ci-dessus, au delta près du format de fichier issu du processus de numérisation, imposé dans ce dernier cas par l’Administration Fiscale (PDF ou PDF/A-3)
Grâce à la parution de cet arrêté 22 mars 2017, il est donc désormais possible de détruire l’original papier.

En effet, si les articles de l’arrêté en eux-mêmes ne traitent pas explicitement de ce point, la notice de l’arrêté elle, en guise de préambule, ouvre clairement l’ère de la disparition de l’archivage papier :
« Cette mesure […] permet en outre aux assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée de réaliser des gains de productivité en ayant recours à un archivage dématérialisé moins onéreux qu’un archivage de documents papiers ».
Ainsi, si la numérisation et la conservation de ces copies numériques sont réalisées selon les exigences qui s’appuient :
• Pour l’horodatage et le cachet (ou la signature électronique qui reprend ces 2 éléments), sur le règlement européen eIDAS (en vigueur depuis le 1er juillet 2016)
• Pour la conservation intègre et sécurisée, sur les normes en vigueur (à savoir pour la France la norme AFNOR Z42-013 et sa certification de conformité dénommée NF 461),
Alors il est possible de se séparer des originaux papiers.

Cet événement, en dehors même des aspects légaux, ouvre d’importantes perspectives en termes de gain de temps et de productivité, en faisant disparaître avec le papier de lourdes tâches de gestion des documents et de manipulation des archives.
« Gain de productivité » « Moins onéreux » … puisque c’est l’arrêté qui vous le dit… !

Philippe DELAHAYE, Directeur Commercial & Marketing chez CDC Arkhinéo et Pierre-Igor LEGRAND, Avocat à la Cour, Ancien Membre de l’Ordre, Associé chez KLEM AVOCATS.
Article publié par le Journal Du Net (JDN), le 3 avril 2017 : http://bit.ly/2nKxItb